Portrait du poète en soufi

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Portrait du poète en soufi Details

Le poète, soufi d'un nouveau genre en quête de la poésie globale de notre temps, trouve sa matière en réinventant sa patrie dans un nomadisme à l'horizon du monde. Hors tout dogme, le rêve de « verbe intégral » brise le miroir : il en restitue les éclats par le fragment qui transcrit le détail capté par le corps sismographe traversant les territoires des langues d'Orient et d'Occident. Ses échappées le conduisent vers le lointain, de la Corée aux Caraïbes, du Bengale à la côte ouest de l'Amérique ; et sur une scène plus proche, ses haltes enchaînent Tunis à Berlin, Tanger à Paris, Madrid ou Lisbonne au Caire, Alexandrie à Siwa, Jérusalem à Istanbul. Le don reçu est réorienté vers AYA, sujet d'amour, qui est l'adresse du poème. Le sens afflue par la physiologie du sentiment, de la sensation et de l'émotion. Le poème dévore d'infimes parcelles du coma cosmique. L'errant n'abdique pas.

Reviews

Abdelwahab Meddeb nous a quitté un jour de novembre 2014. Il était encore relativement jeune mais, ce livre en témoigne, il avait déjà vécu mille vies. Il n'a donc pas connu les attentats de Janvier 2015 qui l'auraient fait souffrir tant ceux-ci sont l'illustration de ce qu'il a toujours combattu. Il est bon que son ultime livre, sorte de testament spirituel, soit un recueil de poésie quand il devait l'essentiel de sa notoriété à ses essais et ses émissions de radio, ici c'est la quintessence de son rapport au monde qu'exprime Abdelwahab Meddeb.Ce livre s'inscrit explicitement sous l'éclairage de l'expérience soufi, celle d'Ibn' Arabi natif de Murcie et mort à Damas ou celle de Bayazid Bastami, originaire de la région de la Caspienne qui prêcha jusqu'au Bengale. L'espace est vaste, la dimension universelle.Et de fait si l'espace méditerranéen tient une place essentielle et que palmiers, oliviers, sycomores et cyprès structurent le plus souvent le paysage Abdelwahab Meddeb nous entraîne dans un incroyable nomadisme planétaire et certes Alger, Tunis, Le Caire sont présents mais aussi Vancouver, San Francisco, Los Angeles tout comme la Chine, le Japon, la Corée, l'Inde ou l'Italie et Séville, Florence, Berlin au même titre que Sawa, oasis du désert Egyptien.Mais la ville qui semble la plus emblématique de ce périple, où l'auteur se sent chez lui et peut le mieux déployer les ailes de son imaginaire est Tanger, là où l'Orient et l'Occident ne sont plus séparés que par un mince détroit, et où en face se trouve l'Andalousie, rêve secret d'Abdelwahab Meddeb, cette terre ou durant quelques siècles les trois religions monothéistes ont coexisté, produisant des ?uvres géniales et permettant à d'immenses penseurs de s'épanouir.D'une certaine manière Abdelwahab Meddeb transporte partout son Andalousie intérieure, sa sensualité raffinée, sa curiosité, son goût de la culture. Tel un soufi moderne il veut extraire le suc de chaque chose. Et ce n'est pas pour rien qu'il fît le pèlerinage à Sète à la rencontre de Paul Valéry. Ces vers du "Cimetière marin" pourraient lui être un blason :"Non, non! Debout! Dans l'ère successive!/ Brisez, mon corps, cette forme pensive!/ Buvez, mon sein la naissance du vent!/ Une fraîcheur, de la mer exhalée,/ Me rend mon âme...O puissance salée!/ Courons à l'onde en rejaillir vivant."Sans doute parce qu'il respire le monde par toutes ses pores notre poète nomade a du souffle et sa poésie est très accessible dés lors qu'on veut bien l'aborder comme on doit aborder la poésie, c'est à dire avec disponibilité et attention. La poésie est l'antidote du zapping même si cette poésie là varie les horizons et les sensations.A titre d'exemple cet extrait du dernier poème, à Calcutta : " en fin d'après-midi je suis entré dans une aire/ où la plante l'animal l'homme nagent dans le même flux/ entre la terre l'air l'eau le feu les tortues sortent leur tête/ que des mains de femmes caressent que des enfants/ nourrissent de bananes qu'ils enfoncent dans leur gueule/ à l'ombre du préau errent les sectateurs de mille obédiences/ ils pulvérisent leur croyance en restant au devant d'eux-mêmes/ en-deçà et au -delà du dogme auquel les uns et les autres acquiescent/ vagabonds sublimes soucieux de leur présence au monde/ le yogi côtoie le soufi le pandit le 'alim le sunnite le shiite/ le barbu l'illuminé le viril l'efféminé l'extatique le sobre/ le chagrin de la passion habite l'un l'Intellect rayonne dans l'autre/ celui-là cajole dans la main une colombe il lui chuchote ses confidences/ encore un autre qui se confond avec l'arbre qui lui tient le dos/ c'est un sage qui bénit tout passant inconnu enfants et adultes/ vieux ou jeunes de l'un ou l'autre sexe tous progressent/ vers le foyer de la sainteté Aya ton ombre monte avec moi/..."Abdelwahab Meddeb appartient à cette riche tradition de la poésie arabe qui comprend encore nombre de grands poètes contemporains. En une période ou l'on entend beaucoup parler de sentiment d'humiliation et de ses conséquences délétères il ne serait pas inutile de se mettre au diapason de cette poésie là, d'en goûter la beauté, d'en méditer le message.

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